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Panier Vide

86_p Le Paradis terrestre dans les apocryphes,
la tradition coranique et la Genèse

Texte de Guillaume LEMOINE,
La Garance voyageuse n° 86

   
Divers manuscrits religieux et philosophiques furent découverts en décembre 1945 dans la ville égyptienne de Nag Hammadi. Ces écrits « cachés » et non reconnus par l’Église donnent une image du foisonnement des réflexions spirituelles au cours des premiers siècles de l’ère chrétienne.
Les Actes de Pilate (19) rapportent les propos de Seth « mon père Adam, le premier formé, sentant sa fin, m’envoya tout près des portes du paradis ; je devais prier Dieu de me conduire par la main d’un ange à l’arbre de miséricorde, et me laisser récolter de son huile pour en oindre mon père, et lui rendre ainsi ses forces ». L’Évangile de Thomas (Th 22) nous informe que « vous avez là, dans le Paradis, cinq arbres qui ne changent ni été ni hiver, et dont les feuilles ne tombent point : celui qui les connaîtra ne goûtera point la mort ! ».
Le Livre d’Hénoch (IIe siècle avant J.-C.), texte écarté par l’Église en 364 au concile de Laodicée et retrouvé en 1773, présente lui aussi une version de l’arbre du paradis terrestre au chapitre 3.1 : « Il avait là aussi l’arbre de la science dont les fruits illuminent l’intelligence de celui qui s’en nourrit » (ch.31,3) ; « Il était semblable au tamarin, et ses fruits d’une beauté remarquable, (semblable) à des grappes de raisins ; son parfum embaumait les lieux d’alentour. Et je m’écriai : quel bel arbre ! Quel spectacle délicieux ! Alors l’ange Raphaël qui était avec moi me répondit : ceci est l’arbre de la science, dont ont mangé ton vieux père et ta vieille mère ; ses fruits les ont illuminés, leurs yeux ont été ouverts, et après s’être aperçus qu’ils étaient nus, ils ont été chassés du Paradis terrestre » (ch.31,4).
Le Coran reprend également le thème universel de la consommation du fruit interdit et du premier couple chassé du Paradis terrestre. On retrouve les aventures d’Adam et de sa femme, dont le nom n’est pas cité, dans trois sourates ; celles de La vache (II), Al-A’raf (VII) et Ta-Ha (XX). L’interdit de l’arbre existe, et l’important est surtout concentré sur la nudité d’Adam et d’Ève et de la découverte de cette nudité. Ici, L’arbre est celui de la vie éternelle, et le serpent est remplacé par le Diable.
« Et Nous dîmes : « Ô Adam, habite le Paradis toi et ton épouse, et nourrissez-vous-en de partout à votre guise ; mais n’approchez pas de l’arbre que voici : sinon vous seriez du nombre des injustes » (II.35). Puis le Diable le tenta en disant : « Ô Adam, t’indiquerai-je l’arbre de l’éternité et un royaume impérissable ? ».(XX.120). Puis le Diable, afin de leur rendre visible ce qui leur était caché — leur nudité — leur chuchota, disant : « Votre Seigneur ne vous a interdit cet arbre que pour vous empêcher de devenir des Anges ou d’être immortels ! ». (VII.20) « Tous deux (Adam et Ève) en mangèrent. Alors leur apparut leur nudité. Ils se mirent à se couvrir avec des feuilles du paradis. Adam désobéit ainsi à son Seigneur et il s’égara. » (XX.121 et VII.22). GL

Genèse (extraits)

2.8 Puis l’Eternel Dieu planta un jardin en Eden, du côté de l’orient, et il y mit l’homme qu’il avait formé.

2.9 L’Eternel Dieu fit pousser du sol des arbres de toute espèce, agréables à voir et bons à manger, et l’arbre de vie au milieu du jardin, et l’arbre de la connaissance du bien et du mal.

2.10 Un fleuve sortait d’Eden pour arroser le jardin, et de là il se divisait en quatre bras.

2.16 L’Eternel Dieu donna cet ordre à l’homme « Tu pourras manger de tous les arbres du jardin ;

2.17 mais tu ne mangeras pas de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, car le jour où tu en mangeras, tu mourras. »

2.25 L’homme et sa femme étaient tous les deux nus, et n’en avaient point honte.

3.1 Le serpent […] dit à la femme : « Dieu a-t-il réellement dit : « Vous ne mangerez pas tous les arbres du jardin ? »

3.2 La femme répondit au serpent : « Nous mangeons du fruit des arbres du jardin.

3.3 Mais quant au fruit de l’arbre qui est au milieu du jardin, Dieu a dit : « Vous n’en mangerez point et vous n’y toucherez point, de peur que vous ne mouriez ».

3.4 Alors le serpent dit à la femme : « Vous ne mourrez point ;

3.5 mais Dieu sait que, le jour où vous en mangerez, vos yeux s’ouvriront, et que vous serez comme des dieux, connaissant le bien et le mal ».

3.6 La femme vit que l’arbre était bon à manger et agréable à la vue, et qu’il était précieux pour ouvrir l’intelligence ; elle prit de son fruit, et en mangea ; elle en donna aussi à son mari, qui était auprès d’elle, et il en mangea.

3.7 Les yeux de l’un et de l’autre s’ouvrirent, ils connurent qu’ils étaient nus, et, ayant cousu des feuilles de figuier, ils s’en firent des ceintures.

3.8 Alors ils entendirent la voix de l’Eternel Dieu et l’homme et sa femme se cachèrent […

3.10 …] « J’ai entendu ta voix dans le jardin, et j’ai eu peur, parce que je suis nu, et je me suis caché ».

3.11 Et l’Eternel Dieu dit : « Qui t’a appris que tu es nu ? Est-ce que tu as mangé de l’arbre dont je t’avais défendu de manger ? » […]

3.22 L’Eternel dit : « Voici, l’homme est devenu comme l’un de nous, pour la connaissance du bien et du mal. Empêchons-le maintenant d’avancer sa main, de prendre de l’arbre de vie, d’en manger, et de vivre éternellement » […

3.24 …] Il chassa Adam ; et il mit à l’orient du jardin d’Eden les chérubins qui agitent une épée flamboyante, pour garder le chemin de l’arbre de vie.

 


Eléments de bibliographie
-Boulnois J. -1939 – le caducée et la symbolique dravidienne indo- méditerranéenne de l’arbre, de la pierre, du serpent et de la déesse-mère, 194p., Maisonneuve éditeur, Paris
-Allegro, J.M.-1971- Le Champignon sacré et la Croix. 297p. Éd. Albin Michel, Paris

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