Les messicoles : tout un programme ! |
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Une flore diversifiée Dans certaines régions (Causses, Cerdagne, Luberon), plus de 150 espèces adventices des cultures et messicoles se rencontrent encore aujourd'hui dans les champs de céréales d'hiver. Un seul champ peut héberger plusieurs dizaines d’adventices différentes, certains en contiennent plus d’une soixantaine. Adonis annuel (Adonis annua L.), Papaver argemone
Les messicoles les plus anciennes, présentes depuis plus de quinze siècles, comme la nielle des blés, l’aspérule des champs, le gaillet à trois cornes (Galium tricornutum Dandy) ou le bleuet des champs (Centaurea cyanus L.) côtoient des espèces d’introduction plus récente (à partir du Moyen-âge) comme le conringie ou plus récemment encore le bifore radié (Bifora radians M. Bieb.). |
Adonis couleur de feu (Adonis flammea)![]() Agrostemma githago avec Oedemère noble ![]() Coupe d'une capsule de Nielle ![]() Ceratocephalus falcatus ![]() |
Des symboles forts Les messicoles les plus courantes comme les bleuets et les coquelicots ont été les supports symboliques d’évènements et de commémorations. La fleur de bleuet a été choisie pour représenter les nombreux soldats morts pendant la guerre de 1914-1918. Alors que les vétérans portaient encore les pantalons rouge garance, les premières plus jeunes recrues furent vêtues d’un uniforme bleu. Ils furent surnommés les bleuets. A la fin de la guerre, dans les champs ravagés par les bombardements, et dès le premier printemps 1919, les fleurs des champs comme les bleuets et les coquelicots fleurirent dans ces espaces de désolation. L’Angleterre a choisi les coquelicots, la Belgique les marguerittes et la France les bleuets comme symbole des morts tombés lors des combats. Suzanne Lenhardt, infirmière et Charlotte Malterre touchées par les souffrances des blessés de la Première Guerre mondiale décidèrent de les aider. Les fleurs de bleuet confectionnées en tissu étaient fabriquées par les mutilés soignés à l’hôpital, ce qui leur permettaient de gagner un peu d’argent. Ces bleuets commémoratifs, d’abord en tissus puis en papier et enfin autocollants, ont longtemps été distribués pour commémorer l’armistice du 11 novembre 1918.
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Gravure Bleuet et coquelicot (par Grandville)
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Des plantes toxiques : de l’ivraie enivrante à la nielle des blés Vous avez dit mauvaise herbe ? Il y a aussi, en effet, des plantes toxiques chez les messicoles. Une graminée associée aux céréales, l’ivraie enivrante (Lolium temulentum L.), a connu un passé riche et mouvementé. L’homme a connu les effets psychotropes de l’ivresse (d’où l’origine du mot ivresse ou enivrant) avec cette plante, avant celle procurée par le vin d’apparition plus tardive. Les propriétés psychotropes de l’ivraie sont bien connues délire, troubles visuels et « transports furieux ». Elles sont dues à l’alcaloïde nommé tumeline, en référence au nom botanique latin de l’espèce « tumelentum » (« qui est en état d’ivresse, imbibé »). Elle a été mélangée au cannabis, en Égypte, pour en doper les effets. Mais les symptômes de l’intoxication comportent aussi : Agrostemma (semences) / Méteil (semences)
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Elle est royale la nielle des blés ! Qu’elle est belle la nielle des blés (Agrostemma githago L.) avec sa couronne (des mots grecs agro = « champ » et stemma =« couronne ») formée par les 5 dents de son calice et aussi sa grosse graine toute noire et ornée de jolies protubérances ! Elle se voit comme le nez au milieu de la figure, qu’elle soit dans le champ de céréales, dans le silo de grains ou dans le lot de semences. Il lui colle à la peau comme une odeur sulfureuse, de malfaisante et de vénéneuse. Haro sur l’empoisonneuse ! Tout le monde vous le dira, même ceux qui ne l’ont jamais vu ! La nielle des blés est une Caryophyllacée contenant des glucosides (saponines) responsable d’une toxicité avérée. Mais on trouve des pourcentages étonnament variés dans la littérature quand aux doses où sa présence est toxique (de 1 à 2 % jusqu’à 50 % !). Il se pourrait qu’il y ait une différence importante selon les modalités-non précisées-des analyses faites jusqu’alors sur des farines crues ou sur les produits (pain par exemple) obtenus après fermentation et cuisson de cette farine. En effet, ces substances sont partiellement détruites par la chaleur. Il n’existe pas de maladie ni de nom populaire à proprement parler pour des intoxications avec la nielle des blés. Seul un nom scientifique, le githagisme, tente de cerner un phénomène qui n’a, semble-t-il pas beaucoup existé : a contrario de celles provoquées par l’ergot de seigle (mal des ardents, feu Saint-Antoine) dont les causes ont été longtemps inconnues mais les effets ravageurs bien décrits (voir les articles de La Garance voyageuse dans le n° 52 « Drogues et plantes magiques », hiver 2000). Le bétail est quelquefois sensible …surtout quand il n’y est pas accoutumé ! Il est fréquent de trouver sur les Causses des lots de céréales contenant des quantités très élevées de graines de nielle qui sont donnés aux troupeaux (brebis et moutons) sans tri préalable et sans dommage. |
Nielle des blés (capsule pleine) ![]() Graines de nielle recueillies dans un van ![]() Couronne de la capsule de Nielle ![]() |